Les effets de marée

     Depuis l'antiquité et jusqu'à Newton, les opinions les plus disparates ont été émises sur les marées. Quelques observateurs avaient noté leur relation avec la Lune Posidonius donna même un tableau des concordances qu'il avait observées sur les côtes d'Espagne entre les variations diurnes, mensuelles et même annuelles des marées et les mouvements de la Lune et du Soleil. Mais il y eut aussi beaucoup de tentatives d'explications très fantaisistes. Aristote pensait qu'elles étaient provoquées par le vent. Platon qu'elles représentaient une sorte de respiration de la Terre elles étaient dues selon lui aux oscillations d'un liquide contenu dans les cavernes souterraines. Bernardin de Saint Pierre voyait leur cause dans la fonte des glaces polaires. Enfin Newton donna une explication détaillée du phénomène à partir de la gravitation universelle. Laplace développa la théorie.

     Les effets de marée résultent des forces d'attraction différentielles que deux corps relativement proches exercent l'un sur l'autre. Si certains ont pu attribuer très tôt le phénomène des marées sur Terre à l'influence de la Lune, c'est parce que l'heure de la marée haute dépend de celle du passage de la Lune dans le plan du méridien. Il a fallu cependant attendre la théorie de la gravitation de Newton pour en donner une explication satisfaisante.

Fig. 1      Considérons tout d'abord les effets de l'attraction de la Lune sur la partie solide de la Terre. Les particules qui constituent la Terre sont maintenues ensemble par leur attraction gravitationnelle et par les forces de cohésion. Cependant, la Terre n'est pas parfaitement rigide, et l'effet différentiel de l'attraction lunaire sur ses différentes parties provoque un léger aplatissement la Terre prend la forme d'un ellipsoïde aplati dont la section par le plan de l'orbite lunaire est une ellipse de grand axe constamment dirigé vers la Lune (Fig. ci-contre). Une rotation complète de la Terre fait défiler successivement ses différentes parties en direction de la Lune, lesquelles subissent donc tour à tour l'effet de marée. Les mesures ont montré que cet effet solide est au maximum d'une vingtaine de centimètres et qu'il se manifeste pratiquement instantanément. Il en résulte donc un léger aplatissement de la Terre. Celui-ci est beaucoup moins important que celui provoqué par la rotation de plus, il est variable au cours de la période du mouvement de la Lune autour de la Terre.
     Dans les océans qui recouvrent la plus grande partie de la Terre, l'eau est beaucoup plus libre de se déplacer que la matière solide, et de prendre à chaque instant la figure d'équilibre qui résulte de l'attraction gravitationnelle de la Lune. Mais les océans mettent du temps à réagir à l'appel de la Lune. la force que celle-ci exerce alors (flèche du haut) ralentit la rotation de la Terre (dont le sens est indiqué par la flèche du bas).

     Les marées liquides sont environ trois fois plus importantes que les marées solides et atteignent 60 cm en pleine mer. Mais quand l'eau est canalisée dans chenal un étroit, comme par exemple l'embouchure d'une rivière, le déplacement vertical peut être beaucoup plus important et, dans certains cas, atteindre près de 20 m de hauteur (à cause de phénomènes de résonance dans les cavités océaniques).

     Fig. 2

 

Fig. 3

     Le Soleil exerce aussi un effet de marée sur la Terre. Comme sa distance est plus grande, l'effet de marée est moins important, malgré la grande masse du Soleil on calcule que la déviation maximale de l'intensité de la pesanteur en un lieu est de 0,008", c'est-à-dire environ la moitié de celle produite par la Lune, ce qui n est donc pas négligeable. Quand la Soleil et la Lune sont dirigés à 90° l'un de l'autre (Fig. ci-contre), c'est-à-dire quand la Lune est au premier ou au dernier quartier, les marées sont moins fortes : ce sont les marées de mortes-eaux. Au contraire, quand le Soleil et la Lune ajoutent leurs effets, c'est-à-dire en période de Nouvelle Lune ou de Pleine Lune (Fig. ci-dessous), les marées sont plus fortes d'environ 20% : ce sont les marées de vives-eaux.
   A la nouvelle Lune, le Soleil et notre satellite conjuguent leurs forces pour attirer les océans terrestres : c'est la marée de vive-eau.... Fig. 4
   Nouvelle marée de vive-eau à la Pleine Lune, où les trois astres sont une fois encore alignés. Fig. 5

     En fait, les marées constituent un système dynamique. La rotation de la Terre demande au bourrelet d'eau, pour pouvoir rester aligné avec la Lune, de se propager par rapport aux fonds marins. Il y a donc formation d'une onde de marée progressive. Mais les bassins océaniques constituent des systèmes clos. Il se crée donc des ondes stationnaires, ce qui provoque l'apparition de résonances lorsque la période propre d'oscillation d'un bassin océanique coïncide avec une période astronomique d'excitation.

     Ce mouvement régulier de l'eau et des terres provoque la dissipation d'une grande quantité d'énergie par frottements. Elle se dissipe sous la forme de mouvements turbulents de l'eau sur les côtes et d'échauffement des roches dans la croûte terrestre. S'il était possible de la récupérer, elle suffirait très largement aux besoins en énergie électrique de la planète. Les usines marée-motrice fonctionnent sur ce principe.

     L'énergie ainsi dissipée est prélevée sur l'énergie cinétique de la Terre, dont le mouvement de rotation est ainsi ralenti. Les marées contribuent donc à allonger la durée du jour. Comme la Terre a une masse considérable, cet effet est très faible mais il devient perceptible à l'échelle géologique : il y a 300 millions d'années, le jour durait 22 heures, et l'année comportait 400 jours l'étude des fossiles de cette époque a permis de confirmer cette durée de 400 jours.

 

Copyright  © didierbenoit